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Mais non, catre mes mains tu pourrais trop souffrir,
A force de t'aimer je te ferais mourir!...
Bonne nuit! bonne nuit, Roméo ! je te laisse!
De cet adieu si doux, si douce est la tristesse,
Que si j'osais long-temps écouter mon amour,
Je te dirais, je crois, bonne nuit jusqu'au jour.

Roméo.

(Juliette se retire du balcon) La paix soit dans ton ame, et puisse à ma prière

Le sommeil le plus doux effleurer ta paupière!
De mon guide sacré courons chercher l'appui :

Du moins de mon bonheur je puis m'ouvrir à lui.

P. 374, vers 26.—Wilt thou be gone? it is not yet near day.

Juliette. - Quoi si tôt ? quoi déjà? Déjà tu veux partir?
De l'approche du jour rien n'a pu t'avertir!
C'était le rossignol, et non pas l'alouette,
Dont le chant a frappé ton oreille inquiète ;
Crois-en, mon Roméo, ce grenadier en fleurs
Qui l'entend chaque nuit raconter ses douleurs,
C'était le rossignol...

Roméo.

Vois-tu, ma bien-aimée,

S'étendre à l'horizon cette ligne enflammée ?

Vois-tu les traits du jour entr'ouvrir l'orient,

Les étoiles pâlir, et le matin riant,

Du milieu des brouillards qui voilent nos campagnes
S'élever radieux sur le front des montagnes ?

Il faut partir et vivre, ou rester et mourir !

Juliette.-Non, ce n'est pas le jour ? où donc veux-tu courir?

Le jour est encor loin; c'est quelque météore

Qui pour guider ta fuite a devancé l'aurore.

Oh! ne pars point!

Roméo.

Eh bien! qu'on me surprenne ici,

Juliette le veut et je le veux aussi !

Non, ce n'est pas le jour! la lune au front d'albâtre

Répand sur nos coteaux cette lueur grisâtre ;

Non, ce n'est pas le jour ! ce ramage joyeux

Qui dès long-temps résonne au plus haut point des cieux,
Ce n'est pas l'alouette à la voix matinale ;
L'erreur, si c'en est une, à moi seul est fatale:
Et qu'importe la mort! Qu'en dis-tu mon amour?
Restons, restons encor, non ce n'est pas le jour!

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Juliette.

C'est le jour! c'est le jour ! va-t-en, hâte ta fuite,

Tu ne saurais, hélas ! t'éloigner assez vite.

Ces sons étourdissants, cette importune voix,

C'était bien l'alouette: oh! mieux vaudrait cent fois
Entendre du hibou le cri rauque et bizarre

Que ce héraut du jour dont le chant nous sépare.

Fuis! d'instants en instants l'horizon s'éclaircit.

Roméo.-Et d'instants en instants notre sort s'obscurcit.
Juliette.-Gardiens du court bonheur que le ciel nous envie,
Livrez l'entrée au jour et laissez fuir ma vie,
Sous ma tremblante main, volets, entr'ouvrez-vous !
Roméo.-Un baiser, un adieu ! je descends.
Juliette.

Mon ami, songe bien qu'il faudra que je meure,
Si le matin, le soir, chaque jour, à toute heure,
Je n'ai, dans cet exil, des nouvelles de toi :

Mon époux,

Les moments sans te voir sont des siècles pour moi,
Tu le sais; et mon cœur mesurant les journées,

Oh! qu'avant ton retour j'aurai compté d'années!

Roméo.-Tout ce que peut l'amour, hélas! je le promets. Juliette. Roméo, Roméo ! si c'était pour jamais! Crois-tu qu'un jour, du moins, le ciel nous réunisse? Le crois-tu ?

Romeo.

Je l'espère: oui, dans ce temps propice

Nos maux ne seront plus qu'un faible souvenir,
Triste et doux entretien de nos jours à venir.

Juliette.-Et moi j'ai dans le cœur un funeste présage;

Je ne sais quel prestige a pâli ton visage ;

Au pied de ce balcon, maintenant descendu,

Tu me parais un mort dans sa tombe étendu !

Roméo.-C'est ainsi, cher amour, que vous frappez ma vue :

Le chagrin dévorant nous dessèche et nous tue!

Adieu, ma Juliette!

Juliette.

Adieu, chère âme, adieu

LE MARCHAND

DE

VENISE.

NOTICE

HISTORIQUE ET CRITIQUE

SUR LE

MARCHAND DE VENISE.

Lorsque après la chute de l'empire romain, les Goths, les Vandales et tant de hordes barbares se disputèrent cet immense héritage, et hâtèrent la décadence des sciences, des lettres et des arts, il ne resta qu'une étincelle de ce feu sacré, qui se conserva précieusement dans les clottres. Bientôt après, les aventures extraordinaires, les conquêtes, les pas rétrogrades que fit la civilisation furent, pour ainsi dire, la source d'une nouvelle littérature, qui eut ses images et ses fictions; aussi, presque tous les peuples, amis du merveilleux, ont eu leurs fabulistes et leurs conteurs. Ce goût fut de tous les temps; c'est ce qui a fait dire à l'imitateur inimitable, au bon Lafontaine : Le monde est vieux, et cependant

Il le faut amuser encor comme un enfant.

Nous devons ajouter, cependant, que c'est aux Sarrasins et aux chantres de la Germanie, bien plus qu'aux modèles de l'antiquité, que l'Europe moderne a emprunté le caractère, les matériaux, la couleur et les ornements de sa poésie. Le monde romantique, ressuscité, appartient presque tout entier

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