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après-demain, mercredi; vous m'enverrez, je vous prie, de l'argent, jeudi; si je n'en reçois point vendredi, je pars samedi, pour être chez nous dimanche."

LA PAREILLE.-Voltaire et Piron avaient été passer quelque temps dans un château. Un jour Piron écrivit sur la porte de Voltaire, Coquin. Sitôt que Voltaire le vit, il se rendit chez Piron, qui lui dit: "Quel hasard me procure l'avantage de vous voir?" "Monsieur," lui répondit Voltaire, “j'ai vu votre nom sur ma porte, et je viens vous rendre ma visite."

LE SAVANT.-On faisait au célèbre docteur Abou-Joseph, l'un des plus savants musulmans* de son siècle, une question extraordinaire et difficile. Il avoua ingénument son ignorance; et, sur cet aveu, on lui reprocha de recevoir de fort grosses sommes du trésor royal, sans cependant être capable de décider les points de droit sur lesquels on le consultait. "Ce n'est point une merveille," répondit-il; "je reçois du trésor à proportion de ce que je sais; mais si je recevais à proportion de ce que j'ignore, toutes les richesses du califat ne suffiraient pas pour me payer."

DÉSINTÉRESSEMENT.-Un sage Arabe avait dissipé ses biens au service d'un calife; ce monarque, plongé dans les délices, lui dit ironiquement: "Connais-tu quelqu'un qui fasse profession d'un plus grand désintéressement que toi?' “Oui, seigneur." "Quel est-il ?" "Vous: je n'ai sacrifié que ma fortune, vous sacrifiez votre gloire."

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DILEMME.-Protagoras, rhéteur athénien, était convenu d'enseigner la rhétorique à Évalthe, moyennant une somme que celui-ci lui paierait s'il gagnait sa première cause. Évalthe, instruit de tous les préceptes de l'art, refusant de payer Protagoras, celui-ci le traduisit devant l'Aréopage, et dit aux juges: "Tout jugement est décisif pour moi; s'il m'est favorable, il porte la condamnation d'Evalthe; s'il m'est contraire, il faut qu'il me paye, puisqu'il gagne sa première cause." "J'avoue," répondit Evalthe, "qu'on prononcera pour ou contre moi; dans l'un ou l'autre cas je serai également acquitté si les juges prononcent en ma faveur, vous êtes condamné; s'ils prononcent pour vous, perdant ma première cause, je ne vous dois rien, suivant notre convention." Les juges ne pouvant accorder les plaideurs, leur ordonnèrent de comparaître cent ans après.

* Musulman. Titre par lequel les mahometans se distinguent des autres hommes, et qui signifie dans leur langue, vrai fidèle, vrai croyant.

PRÉCISION.-On cite de Thalès plusieurs réponses qui peuvent donner une haute idée de sa philosophie, et montrer avec quelle précision les sages de ce siècle tâchaient de satisfaire aux questions qu'on leur proposait. "Qu'y a-t-il de plus beau?-L'univers, car il est l'ouvrage de Dieu." "De plus vaste?-L'espace, parce qu'il contient tout." "De plus fort? -La nécessité, parce qu'elle triomphe de tout." "De plus difficile?-De se connaître." "De plus facile? -De donner avis." "Que faut-il pour mener une vie irréprochable ? — Ne pas faire ce qu'on blâme dans les autres." "Que faut-il pour être heureux?-Un corps sain, une fortune aisée, un esprit éclairé," etc.

DÉESSES.-Thémistocle étant envoyé à l'île d'Andros pour exiger un tribut, convoqua l'assemblée et fit sa proposition; mais y trouvant des difficultés, il dit: " Andriens, je vous apporte deux déesses, la Persuasion et la Force; choisissez à présent celle qu'il vous plaira." Les Andriens répondirent sans hésiter: "Et nous aussi, Thémistocle, nous avons deux déesses, la Pauvreté et l'Impossibilité, prenez maintenant celle qui vous plaît le mieux."

HARANGUE. Le respectable Malesherbes (ministre de Louis XVI), à la tête d'une cour souveraine, avait été chargé de haranguer le Dauphin* au berceau, et qui, loin de pouvoir entendre une parole, ne savait encore que crier et pleurer pour exprimer ses désirs et ses douleurs. Il se borna à lui dire: "Puisse, monseigneur, Votre Altesse royale, pour le bonheur de la France et le sien, se montrer toujours aussi insensible et sourde au langage de la flatterie, qu'elle† l'est aujourd'hui au discours que j'ai l'honneur de prononcer devant elle."

JOURNAUX.-Les journaux de Paris, soumis à la censure, en 1815, annoncèrent, dans les termes suivants, la sortie de Bonaparte de l'île d'Elbe, sa marche à travers la France, et son entrée dans la capitale:-"9 mars. L'anthropophage est sorti de son repaire.-10. L'ogre de Corse vient de débarquer au Cap-Juan.-11. Le tigre est arrivé à Gap.-12. Le monstre a couché à Grenoble.-13. Le tyran a traversé Lyon.-14. L'usurpateur se dirige vers Dijon, mais les braves et loyaux Bourguignons se sont levés en masse et le cernent de tous côtés.-18. Buonaparte est à soixante lieues de la capitale; il a eu l'adresse d'échapper des mains de ceux qui le poursui

*Dauphin. Ce mot, dérivé de Dauphiné, nom d'une province de France, est le titre que prenait autrefois le fils aîné du roi de France.

+ Elle refers to altesse.

vaient.-19. Bonaparte s'avance à grands pas, mais il n'entrera jamais dans Paris.-20. Napoléon sera demain sous nos remparts.-21. L'empereur est à Fontainebleau.-22. Sa Majesté impériale et royale a fait hier au soir son entrée à son château des Tuileries, au milieu des transports d'allégresse d'un peuple adorateur et fidèle."

GRANDEUR.-Tous les Français conservent dans leur mémoire le discours que Henri IV prononça au commencement de son règne, dans une assemblée des notables convoquée à Rouen. Voici ce discours éternellement mémorable:

"Déjà par la faveur du ciel, par les conseils de mes bons serviteurs, et par l'épée de ma brave noblesse, j'ai tiré cet état de la servitude et de la ruine qui le menaçaient. Je veux lui rendre sa force et sa splendeur. Participez à cette seconde gloire, comme vous avez partagé la première. Je ne vous ai point appelés, comme faisaient mes prédécesseurs, pour vous obliger d'approuver aveuglément mes volontés, mais pour recevoir vos conseils, pour les croire, pour les suivre, pour me mettre en tutelle entre vos mains. C'est une envie qui ne prend guère aux rois, aux victorieux, et aux barbes grises; mais l'amour que je porte à mes sujets me rend tout possible et tout honorable.'

CHARITÉ. Les boulangers de Lyon vinrent demander à M. Dugas, prévôt des marchands de cette ville, la permission de renchérir leur pain. Lorsqu'ils lui eurent expliqué leurs raisons, ils laissèrent sur la table une bourse de deux cents louis, ne doutant point que cette somme ne plaidât efficacement leur cause. Quelques jours après, ils se présentèrent pour avoir sa réponse. "Messieurs," leur dit le magistrat, "j'ai pesé vos raisons dans la balance de la justice, et je ne les ai pas trouvées de poids. Je n'ai pas jugé qu il fallût, par une cherté mal fondée, faire souffrir le peuple; au reste, j'ai distribué votre argent aux hôpitaux de cette ville, persuadé que vous n'aviez pas voulu en faire un autre usage. Il m'a paru aussi que, puisque vous êtes en état de faire de telles aumônes, vous ne perdez pas, comme vous le dites, dans votre métier."

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L'ENFANT GÂTÉ. Une dame voyant son enfant chéri pleurer et trépigner près d'un domestique qui avait l'air de lui rire au nez. Champagne," dit-elle, "pourquoi faire ainsi crier mon fils? donnez-lui ce qu'il demande."—" Madame, il crierait jusqu'à demain qu'il ne l'aurait pas davantage." "Comment! qu'est-ce que cela veut dire ? vous êtes un im

pertinent; je vous ordonne de satisfaire ce petit à l'instant même."-" Madame, cela ne se peut pas."- "Oh! celui-là est trop fort. ... Monsieur! monsieur! mon mari !”—“ Eh! ma bonne, de quoi s'agit-il donc?"-" De chasser un insolent qui me nargue en prenant plaisir à contrarier mon fils, à lui refuser ce qu'il désire, et que je dis de lui donner."—" Il est fort singulier, Champagne, que vous vous permettiez de manquer aussi grossièrement à Madame, et de faire pleurer votre jeune maître! Donnez-lui ce qu'il veut, ou sortez.""Je sortirai s'il le faut, monsieur; mais comment pourrai-je lui donner la lune qu'il vient de voir dans un seau d'eau, et qu'il veut avoir absolument ?" À ces mots, monsieur et madame se regardent; ils ne savent que répliquer. Toute la compagnie part d'un éclat de rire. Les deux époux prennent le même parti et se promettent l'un et l'autre de se corriger de leur faiblesse pour cet enfant gâté, dont ils voient trop combien il leur serait difficile d'accomplir tous les vœux.

REMARQUES DÉTACHÉES SUR L'UTILITÉ DES Langues.

En voyage le meilleur instrument, le plus efficace passeport, est de parler couramment la langue du pays où l'on se trouve, on peut alors agir directement sur les esprits; il y a peu de gens qui apprécient toute la puissance de ce moyen: tout est là.

Le voyageur qui ne peut converser, est un sourd et muet, qui ne fait que des gestes, et de plus un demi-aveugle, qui n'aperçoit les objets que sous un faux jour: il a beau avoir un interprète, toute traduction est un tapis vu à revers; la parole seule est un miroir de réflexion qui met en rapport deux âmes sensibles, et généralement la plus forte finit par maîtriser l'autre. Si l'on ajoute à la connaissance des langues, les avantages scientifiques que donne l'éducation moderne, on imprime l'attention et le respect en réveillant la curiosité. C'est en charmant l'oreille et l'imagination que l'on arrive jusqu'au cœur, et que l'on parvient à éclairer et à persuader. C'est avec le langage que l'âme d'un seul homme devient celle de toute une assemblée, de tout un peuple. On peut dire aussi que la langue est l'arme la plus sûre pour établir une domination durable, et que les grands écrivains sont de vrais conquérants.

Charles-Quint disait qu'un homme qui sait quatre langues

vaut quatre hommes ;- -en effet, nous avons tous besoin les uns des autres, et un étranger n'existe pas pour nous, si nous ne pouvons le comprendre; enfin, la littérature de chaque pays découvre à qui sait la connaître une nouvelle sphère d'idées. Quant aux langues mortes, jaloux d'étendre et de multiplier ses connaissances, l'homme de lettres remonte dans les siècles, et s'avance au travers des monuments épars de l'antiquité, pour y recueillir, sur des traces souvent presque effacées, l'âme et la pensée des grands hommes de tous les âges.

L'intelligence des langues (dit Rollin) sert comme d'introduction à toutes les sciences. Par elle nous parvenons presque sans peine à la connaissance d'une infinité de belles choses qui ont coûté de longs travaux à ceux qui les ont inventées. Par elle tous les siècles et tous les pays nous sont ouverts. Elle nous rend en quelque sorte contemporains de tous les âges et citoyens de tous les royaumes, et elle nous met en état de nous entretenir encore aujourd'hui avec tout ce que l'antiquité a produit de plus savants hommes, qui semblent avoir vécu et travaillé pour nous. Nous trouvons en eux comme autant de maîtres qu'il nous est permis de consulter en tout temps; comme autant d'amis qui sont de toutes les heures, et qui peuvent être de toutes nos parties, dont la conversation, toujours utile et toujours agréable, nous enrichit l'esprit de mille connaissances curieuses, et nous apprend à profiter également des vertus et des vices du genre humain. Sans le secours des langues, tous ces oracles sont muets pour nous, tous ces trésors nous sont fermés; et faute d'avoir la clef qui seule peut nous en ouvrir l'entrée, nous demeurons pauvres au milieu de tant de richesses, et ignorants au milieu de toutes les sciences.

Voltaire nous dit, que "de toutes les langues modernes la française doit être la plus générale, parce qu'elle est la plus propre à la conversation.' En effet, la clarté, l'ordre, la justesse et la pureté des termes la distinguent; elle procède comme la pensée et l'observation, elle sait tout exprimer et tout peindre, elle suffit aux besoins de la raison, du génie, et du sentiment. Aussi lui fait-on l'honneur de la chérir, de la parler; elle est la langue des princes, de leurs ambassadeurs, des grands, des hommes dont l'éducation a été soignée dans toutes les parties de l'Europe.

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