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chrétienne. « Ces émigrés, ajoute-il, ont construit un château fort à l'endroit où s'élève maintenant la ville de Tigisis. Là, près d'une source très-abondante, sont deux stèles de marbre blanc, portant une inscription en let→ tres phéniciennes, qui signifie : « Nous som« mes ceux qui avons fui loin de la face du a brigand Jésus, fils de Navé (1). » Suidas rapporte la même tradition et mentionne également ces inscriptions (2).

Quoi qu'il en soit, à l'époque où les émigrés de Tyr élevèrent, non loin des lieux qu'occupe aujourd'hui Tunis, les murs de la ville qui devait balancer la fortune de Rome, toute la contrée qui porte aujourd'hui le nom d'Algérie était occupée par les Numides, qui avaient pour voisins, à l'ouest des Maures, à l'est des Libyens, au sud des Gétules.

Carthage devint riche et puissante; mais sa domination en Afrique ne fut ni aussi étendue ni aussi incontestée qu'on le croit généralement. Au commencement de la seconde guerre punique, c'est-à-dire au temps de sa plus grande splendeur, elle occupait, il est vrai, toutes les côtes d'Afrique depuis la petite Syrte (golfe de Cabès) jusqu'aux colonnes d'Hercule (détroit de Gibraltar); mais comme elle visait à la domination des mers et non à celle du continent, elle se bornait à la possession des côtes, laissant aux Numides l'intérieur des terres, et se bornant à leur imposer des tributs et à recruter chez eux des soldats, qui tournaient souvent contre elle les armes qu'elle leur avait données.

La domination des Carthaginois avait déjà plusieurs siècles de durée, lorsqu'ils se rencontrèrent en Sicile avec les Romains (266 avant J. C.). La lutte s'engagea aussitôt entre les deux peuples: on sait qu'elle se termina par la ruine de Carthage (146 avant J. C.).

Les Romains, après s'être emparés des domaines de Carthage, conquirent sur Jugurtha toute la Numidie, mais sans la conserver d'abord ils en donnèrent la plus belle part au roi de Mauritanie Bocchus, qui les avait aidés à détruire leur ennemi, et ils laissèrent

:

(1) Procope, Vandal. II, 10.

(2) Au mot Xavaáv. Ces témoignages si formels ont pourtant trouvé des contradicteurs. Gibbon admet l'existence des stèles, mais il doute des inscriptions; Mannert regarde la tradition elle-même comme absurde, et cherche à réfuter le passage entier de Procope. La commission nommée par l'Académie des inscriptions et belles-lettres pour s'occuper de recherches sur la géographie ancienne du nord de l'Afrique, en a pensé autrement. « Certes, dit-elle dans son rapport «< publié en 1835, l'espoir de retrouver des stèles aussi curieuses pour l'histoire, et qui sont indiquées << avec tant de précision par un auteur véridique, par « un témoin oculaire, mérite qu'on dirige des explo«rations et des fouilles entre Lambasa (Tezzoute) «<et Tamugadis, où était placée l'ancienne Tigisis. >>

le reste à un prince indigène; puis ils enlevèrent à Juba cette nouvelle Numidie, fraction de l'ancienne, et l'abandonnèrent à un autre Juba, jusqu'à ce que, les États du roi maure leur étant aussi échus, ils en investirent le second Juba, en lui reprenant la nouvelle Numidie. Enfin, quatre-vingts ans après, la Mauritanie fut reprise à son tour pour former deux nouvelles provinces, dont la plus orientale, appelée Mauritanie Césarienne, était précisément la fraction occidentale naguère démembrée de l'ancienne Numidie. L'Algérie actuelle, alors représentée par la nouvelle Numidie et la Mauritanie Césarienne réunies, se trouvait constituer deux provinces subordonnées à un centre placé au dehors d'elles; ce centre était Carthage, relevée par les Gracques, embellie par Auguste, et devenue chef-lieu d'une province gouvernée par un proconsul. La Numidie et la Byzacène, toutes deux limitrophes de la province carthaginoise, étaient gouvernées l'une et l'autre par des consulaires; et, pour compléter la symétrie, les Mauritanies Césarienne et Sitifienne, qui suivaient la Numidie, et la Tripolitaine qui suivait la Byzacène, avaient chacune un de ces commandants du second ordre qu'on appelait présidents. Les territoires les plus éloignés appartenaient à d'autres centres : la Tingitane était liée aux destinées de l'Espagne, comme la Cyrénaïque aux destinées de l'Égypte.

La province d'Afrique (c'est ainsi que se nommait l'ensemble des possessions romaines dans cette partie du monde), presque tout entière entre les mains des propriétaires romains (1), était, sous les empereurs, le grenier de Rome, et de l'Italie devenue le jardin de Rome. Aussi les empereurs donnèrent-ils tous leurs soins à en assurer la tranquillité. Ele ne fut pas toujours tranquille cependant; les exactions des gouverneurs y provoquèrent souvent des révoltes, et sous Tibère, le soulèvement des populations indigènes, guidées par Tacfarinas, faillit compromettre sérieusement la puissance romaine.

Cependant, au moment où l'empire d'Oceident s'écroulait de toutes parts, l'Afrique était plus Romaine que l'Italie; les noms les plus éclatants de la littérature latine, dans les derniers temps, lui appartiennent : citons entre autres, Apulée, Tertullien, saint Cyprien, Arnobe, saint Augustin. Les arts n'y étaient pas moins cultivés que les lettres: de tous côtés s'élevaient des villes, des monuments, dont les ruines

(1) On lit dans Pline, que six propriétaires possédaient, à eux seuls, la moitié de l'Afrique, quand Néron les fit mourir. Sous Vespasien, il y avait dans la Mauritanie Césarienne (province d'Alger) treize colonies romaines, et douze dans la Numidie (province de Constantine).

frappent aujourd'hui nos soldats d'étonnement. On peut lire en effet, dans une Histoire de l'Algérie, par le Dr Wagner, écrivain allemand qui suivit les troupes françaises dans leur expédition de Constantine, l'admiration de l'armée quand, marchant sur l'ancienne capitale de Jugurtha, et frappée de la tristesse et de l'uniformité de la route, elle découvrit tout à coup les ruines de l'ancienne Calama (Ghelma). « Personne, dit le narrateur, ne s'attendait à cette rencontre; ces grandes ruines jetées dans la solitude ranimèrent l'esprit de l'armée, qu'elles avertissaient solennellement qu'avant la France il y avait eu un peuple qui avait conquis et civilisé cette terre, et qu'il n'y avait point un coin de l'Afrique septentrionale, si stérile qu'il parût être, qui n'eût quelque monument imprévu du haut duquel Rome contemplait la France. >>

Quand les barbares ravagèrent l'Italie, quelques tentatives faites en Afrique pour se sépa rer de la métropole furent facilement réprimées; mais en 428, Boniface, qui commandait pour l'empereur Valentinien, se révolta ouvertement, et appela à son secours les Vandales, alors maîtres de l'Espagne. Genséric, un de leurs chefs, ayant passé la mer à la tête d'une puissante armée, s'empara de toutes les places qui tenaient encore pour l'empereur, et s'avança jusque sous les murs de Carthage, qu'occupait Boniface. Celui-ci, voyant alors qu'au lieu d'amis, il s'était donné des maîtres, fit près du chef barbare d'inutiles démarches pour l'engager à se retirer, l'attaqua, et fut vaincu.

Maîtres de l'une des plus belles provinces de l'empire, les Vandales s'y établirent, firent de Carthage leur capitale, et restèrent tranquilles possesseurs du pays pendant plus d'un siècle. Ils poussèrent même leurs excursions jusqu'en Italie; Rome fut prise et pillée par Genséric, et Carthage, vengée, s'enrichit des dépouilles romaines. Gélimer occupait le trône qu'il avait usurpé sur son neveu, lorsque Justinien, qui régnait à Constantinople, résolut de réunir de nouveau l'Afrique à l'empire. Bélisaire, général des armées impériales, prit Carthage, chassa les Vandales, et réduisit tout le pays jusqu'aux colonnes d'Hercule (534).

Vers la fin du septième siècle, les Arabes, déjà possesseurs de l'Égypte, envahirent l'Afrique septentrionale, forcèrent les chrétiens à embrasser la religion de Mahomet, et ne tardèrent point à établir, sur toute l'Afrique romaine, une domination qu'au commencement du siècle suivant ils étendirent en Espagne, où ils furent appelés par la trahison du comte Julien.

L'invasion arabe changea complétement l'état politique du pays; de nouvelles dénomi⚫ nations remplacèrent les noms romains, et les conquérants musulmans firent disparaître jus

qu'aux dernières traces des deux cent quatrevingt-treize églises épiscopales,que la persécu tion des Vandales avait déjà frappées à mort dans les seules limites du moderne territoire algérien.

Plusieurs dynasties arabes se succédèrent dans l'empire fondé en Afrique par les musulmans; celle des Aghlabytes, dont Kairouan, et plus tard Tunis, fut la capitale, et celle des Édrysites, furent renversées par celle des Fatymites, qui, occupés de la conquête de l'Égypte, laissèrent ensuite usurper leurs possessions occidentales par les Zéirites, auxquels succédèrent, dans les provinces de Tunis et de Constantine, les Hamadites, et dans celle de Tlemcen, les Ouahédites. Les trois dynasties que nous venons de nommer disparurent elles-mêmes, renversées par les Almoravides, que détruisirent à leur tour les Almohades. La domination passagère de ceux-ci fut promptement remplacée par celle des Zyanites de Tlemcen et des Hafsites de Bougie, alternativement maîtres d'Alger, suivant que la guerre en décidait, et qui se maintinrent jusque dans la seconde moitié du seizième siècle.

Avec la prise de Grenade s'était écroulée le domination musulmane en Espagne. Les derniers descendants des conquérants africains ayant eu à choisir entre l'exil et l'abandon de leur croyance, le plus grand nombre avait préféré l'exil, et s'était réfugié en Afrique. Ferdinand poursuivit ses ennemis jusque sur cette terre étrangère; en 1504, les troupes espagnoles attaquèrent et prirent le fort de Mers-el-Kébyr, près d'Oran, et quatre ans après, le vieux cardinal Ximenès, à la tête d'une puissante armée., s'empara lui-même de cette dernière ville; il rentra à Carthagène cinq jours après en être parti, laissant à Pierre de Navarre le soin d'étendre une conquête à laquelle il avait déjà contribué par sa valeur et son habileté. Après avoir soumis toutes les places des environs d'Oran, Navarre fit voile pour Bougie, et s'en empara sans coup férir. Une victoire si prompte, et qui n'avait rien coûté aux chrétiens, jeta l'épouvante dans tout le pays; les villes voisines envoyèrent, à l'envi, des dépu tés au vainqueur pour implorer sa protection et se soumettre à l'obéissance de Ferdinand; Alger fut la première à donner l'exemple; le roi de Tunis ne tarda point à faire sa soumission; il n'y eut pas jusqu'au souverain de Tlemcen et aux Maures de Mostaganem qui n'envoyassent au général espagnol des ambassadeurs pour lui demander la paix, et pour s'offrir à être tributaires de la couronne de Castille. Tous ces événements se passèrent en 1510.

Mais toutes ces conquêtes, faites si rapidedement par les Espagnols, leur furent enlevées avec la même rapidité; Alger et Tunis retom.

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Les Espagnols, comme nous l'avons dit, s'étaient emparés d'Alger en 1510; pour défendre leur conquête du côté de la mer, ils élevèrent, sur un roc isolé au-devant de la ville, un fort qui donna une grande importance au port, et assura, pendant quelques années, leur domination dans ces parages. Mais ils traitaient la ville avec une ri. gueur si excessive, que les habitants n'attendaient qu'une occasion favorable pour se soulever et recouvrer leur liberté. La mort de Ferdinand, survenue en 1516, fut le signal de la révolte; les Algériens appelèrent à leur secours Salem-ebn-Témi, prince arabe renommé par sa bravoure et ses talents militaires; et celui-ci, pour rendre plus certain le succès de l'entreprise, eut recours à l'assistance d'un écumeur de mer, le premier Barberousse (Aroudj.) Cet homme, fils d'un renégat sicilien, nommé Yacoub, établi à Mételin (Lesbos), et pirate lui-même, s'était rendu redoutable sur toute la Méditerranée. Il avait perdu un bras devant Bougie, qu'il voulait enlever aux Espagnols; mais, plus heureux à Gygel, il venait de s'en emparer, de concert avec son frère Khayreddin, appelé plus tard à une célébrité plus grande

encore.

Barberousse se rendit avec empressement à l'appel du cheik Salem-ebn-Témi; il attaqua par mer Alger, que l'Arabe investissait par terre. Les deux attaques réussirent le fort et la ville furent pris, la garnison espagnole mit bas les armes, et Alger, au lieu d'être délivrée, ne fit que changer de maître.

Cependant la mésintelligence ne tarda point à éclater entre les deux vainqueurs. Barberousse se défit au plus tôt de son rival, et resta seul maître, de la ville avec ses Turcs, qui devinrent le noyau de la milice algérienne. Le fils de Salem-ebn-Témi, qui, à la mort de son père, s'était réfugié chez les Espagnols, obtint d'eux une armée et une flotte, sous le commandement de Francisco de Vero. Mais eette flotte ne toucha le rivage que pour s'y briser, et les troupes de débarquement, attaquées par Barberousse pendant qu'elles se livraient au pillage, furent presque anéanties. Enflammé par ce nouveau succès, Barberousse résolut de chasser complétement les Espagnols des côtes d'Afrique; et il aurait probablement réussi, si, dans une expédition sur Tlemcen, il n'eût été tué en combattant les Espagnols d'Oran (1518).

Avant de quitter Alger, Barberousse avait appelé Khayreddin pour le remplacer pendant son absence. A la nouvelle de la mort de son frère, Khayreddin, surnommé aussi Barberousse, non moins habile et non

moins redoutable, lui succéda. Il était à peine en possession du pouvoir, qu'il fut menacé par une flotte de vingt-six vaisseaux espagnols, portant 6,000 hommes de troupes. Mais le débarquement ayant été retardé, une tempête s'éleva, qui fit périr la plupart des vaisseaux avec 4,000 hommes environ. Les débris de l'expédition regagnèrent, à grand'peine, Iviça, l'une des Baléares, et les Maures restèrent maîtres d'Alger et de toute la côte.

Cependant Khayreddin, en butte à la haine des Arabes et aux attaques des Espagnols, voyant d'ailleurs son armée diminuer chaque jour, eut recours au sultan Selim Ier, et en obtint (1520), en échange d'un acte formel de soumission, le titre de bey d'Alger, un secours de 2,000 janissaires, de l'artillerie et de l'argent. Avec ces renforts, le nouveau bey s'empara du fort espagnol qu'occupaient encore les habitants, et fit construire par des esclaves chrétiens la jetée qui réunit à la terre ferme l'îlot sur lequel il s'élève.

En 1533, le sultan Soliman appela près de lui Khayreddin, auquel il conféra la dignité de capitan-pacha. A son départ, le bey laissa le commandement d'Alger à un eunuque, renégat sarde, nommé Hassan-Aga, d'une bravoure égale à sa cruauté, et dont les talents militaires semblaient rappeler ceux de l'eunuque Narsès. Hassan, ancien pirate, continua, pendant son gouvernement, ses déprédations avec une telle audace, que le pape Paul III sollicita Charles-Quint d'y mettre un terme. Déjà ce prince, quelques années auparavant, avait renversé la puissance élevée par Barberousse à Tunis. Muley-Hassem régnait dans cette ville, sous la suzeraineté de l'Espagne; lorsque Khayreddin arriva à Constantinople, il conseilla au sultan de réunir à sa vaste domination les États de Muley; le sultan, adoptant ce conseil, confia à son capitan-pacha le commandement d'une flotte, avec laquelle celui-ci s'empara bientôt de Tunis. Maître de la ville et du fort de la Goulette, dont il augmenta les fortifications, Barberousse infesta la mer de ses brigandages, et menaça, non-seulement la Sardaigne et la Sicile, mais encore l'Italie et l'Espagne. Charles-Quint, pour mettre un terme à ces pirateries, rassembla à Cagliari 30,000 hommes de troupes d'élite, commandées par le marquis del Guasto, réunit 500 navires pour les porter, et s'embarqua lui-même avec son armée, le 16 juillet 1535. Après une heureuse navigation, l'empereur, arrivé devant Tunis, fit débarquer ses troupes. Les historiens remarquent qu'il occupa les mêmes lignes que saint Louis.

La prise du fort de la Goulette, emporté d'assaut, rendit l'empereur maître de la flotte

et de l'arsenal; une affaire générale lui livra la ville, et un mois s'était à peine écoulé depuis le départ de Cagliari, que Muley-Hassem, remonté sur son trône, se reconnaissait de nouveau vassal de l'Espagne. Vingt mille esclaves chrétiens durent leur liberté à cette glorieuse expédition. Le retour fut moins beureux, il est vrai; une tempête violente dispersa la flotte.

Le succès de cette première expédition était d'un heureux augure pour l'avenir; l'empereur répondit donc à l'appel du souverain pontife, et donna des ordres pour rassembler, sur les côtes d'Espagne et d'Italie, deux armées composées de ses meilleures troupes, auxquelles se joignit l'élite des nobles italiens et espagnols. Parmi ces derniers, on remarquait le conquérant du Mexique, Fernand Cortès, qui se présenta comme volontaire avec ses trois fils. Le grand maître de Malte envoya 500 chevaliers, accompagnés chacun de deux combattants. Les deux flottes sur lesquelles devaient s'embarquer les deux armées furent réunies sous le commandement du vieil André Doria, qui passait pour le plus grand homme de mer de l'époque (1541).

Cependant les préparatifs avaient traîné en longueur, l'empereur lui-même, à la fin d'août, n'était point encore au rendez-vous général. Enfin il arriva en Italie, et, le 16 septembre, il eut à Lucques une entrevue avec le pape, qui, bien que la guerre se fit à ses sollicitations, conjura le monarque de ne plus penser à une expédition trop tardive pour avoir du succès. Le marquis del Guasto et Doria lui adressèrent aussi la même prière; ce fut inu. tilement, et les deux flottes, ayant mis à la voile, arrivèrent le 26 octobre devant Alger, non sans de grandes difficultés. Le débarquement se fit avec ordre et célérité, à une demi-lieue à l'est de la ville. Les forces réunies montaient alors à 22,000 hommes d'infanterie et à 1,100 chevaux; mais le mauvais temps s'opposa au débarquement complet des bagages, des vivres et des munitions. Malgré cette fâcheuse occurrence, les attaques de l'ennemi furent énergiquement re poussées. L'investissement de la place était presque complet; l'empereur s'était placé luimême sur la hauteur de Sidi-Jacoub, qui do. mine la ville, et où s'éleva plus tard le fort de l'Empereur: l'attaque générale devait avoir lieu le lendemain, et tout faisait présager un heureux succès, lorsqu'un orage accompagné de grêle et de torrents de pluie vint éclater sur l'armée sans abri; en même temps, une tempête des plus violentes dispersa la flotte. Has. san-Aga, profitant des désastres de l'armée chrétienne pour l'attaquer, fit de vigoureuses sorties, dans l'une desquelles il détruisit pres

que complétement les chevaliers de Malte. Le 29, le mauvais temps s'étant un peu calmé, il fut possible de reconnaître les pertes des deux jours précédents : 150 vaisseaux et 8,000 hommes avaient péri. L'empereur, désespérant désormais de prendre la ville, et cédant aux conseils de Doria, qui lui avait écrit, se décida à la retraite ; mais, arrêté par les eaux grossies de l'Haratch et de l'Hammiz, il ne put arriver que le 31 au cap Matifoux, où l'attendaient les débris de sa flotte. Charles, en revoyant le vieil amiral, lui avoua qu'il était puni pour lui avoir désobéi. On mit à l'ordre de l'armée que le siége d'Alger était remis à l'année suivante, et l'on fit voile pour Bougie. Ce fut là que l'empereur, après avoir remercié les officiers qui l'avaient accompagné dans cette malheureuse expédition, quitta l'armée pour se rendre en Espagne par Carthagène.

Délivré des Espagnols, Hassan-Aga fit une expédition contre le roi de Tlemcen, qu'il rendit tributaire, et mourut peu de temps après son retour à Alger (1543). La milice turque élut aussitôt pour le remplacer un de ses chefs nommé Haggy, qui conserva le commandement jusqu'au moment de l'arrivée du nouveau pacha envoyé par la Porte: c'était El-Hassan, fils de Khayreddin (1544).

Depuis l'expédition de Charles-Quint, les Espagnols, non-seulement n'inquiétèrent plus les Algériens, mais ils perdirent même successivement toutes leurs possessions en Afrique. Bougie leur fut enlevé en 1552; ils conservèrent plus longtemps Oran et Mers-el-Kebyr, que les Algériens ne reprirent qu'en 1708.

Enhardis par l'impunité, les pirates algériens, ainsi que ceux de Tunis et de Tripoli, devinrent plus nombreux et plus audacieux que jamais. Pendant plus d'un siècle, ils portêrent la terreur et la désolation jusque sur les côtes d'Espagne et d'Italie ; ils débarquaient à l'improviste, dévastaient les villages et traînaient les habitants en esclavage. Louis XIV se chargea enfin de venger l'honneur de la chrétienté: neuf expéditions eurent lieu sous son règne, de 1663 à 1688; la seconde seulement fut accompagnée de débarquement.

En 1663, le duc de Beaufort, avec six vaisseaux et six galères, donna la chasse aux pirates d'Alger, leur coula une vingtaine de navires, et les obligea de se tenir pendant quelques mois renfermés dans leurs ports. Mais l'année suivante, ils recommencèrent leurs courses, et le même duc de Beaufort fut encore chargé de les remettre à la raison. Seize vaisseaux allèrent débarquer devant Gygel, à cinquante lieues à l'ouest d'Alger; 6,000 hommes, qui s'emparèrent de la ville, y construisirent un fort, et battirent un corps

considérable de Maures. Cependant peu de temps après tout fut abandonné.

En 1665, le duc de Beaufort rencontra la flotte algérienne à la hauteur de Tunis, et lui fit éprouver de telles pertes, que, pendant seize ans, les corsaires d'Alger ne purent rien entreprendre.

En 1681, Duquesne, et Tourville qui servait sous lui, détruisirent presque complétement la flotte tripolitaine devant Chio. La paix fut conclue par la médiation du Grand Seigneur.

L'année d'après, Duquesne et Tourville arrivèrent devant Alger avec des forces considérables; ils brûlèrent trois vaisseaux algériens et bombardèrent la ville; mais la mauvaise saison ramena dans les ports de France la flotte qui, à son retour, fit éprouver de nouvelles pertes à la marine algérienne.

En 1683, le bombardement fut repris (1); la moitié de la ville était déjà renversée, lorsque le dey fut tué, au moment où il allait traiter. Le nouveau dey, Hossayn, surnommé Mezzo-Morto, qui avait rompu les négociations de son prédécesseur en le faisant assassiner, fit attacher le consul de France à la bouche d'un canon et massacrer tous les captifs français; la fuite seule put le soustraire à l'exaspération de la populace. Son successeur Ibrahim, pour apaiser Louis XIV, lui envoya demander solennellement par Djafar-Aga le plus humble pardon; et cependant il fallut que Tourville en 1687, et le maréchal d'Estrées en 1688, allassent de nouveau châtier ces incorrigibles pirates, en jetant plus de dix mille bombes dans leur repaire. Ce fut quelques années plus tard (1694) que le gouvernement d'Alger reconnut les droits de propriété de la France sur le littoral, entre Bône et Thabarqah, indépendamment de la concession exclusive de la pêche du corail et du commerce entre Bône et Bougie.

En 1685, le maréchal d'Estrées avait imposé aux Tripolitains et au dey de Tunis la paix à des conditions rigoureuses.

Toutes ces expéditions furent honorables pour la France et glorieuses pour sa marine, mais elles n'eurent aucun résultat décisif, puisque les Algériens reprenaient la mer dès qu'ils avaient réparé leurs pertes.

Nous avons vu plus haut que Khayreddin s'était mis sous le patronage du sultan; depuis lors, la Porte avait continué d'envoyer des officiers avec le titre de pacha, pour gouverner Alger. Cet état de choses dura jusqu'au commencement du dix-septième siècle. A cette époque, la milice, mécontente du gouverneur

(1) Des bombardes d'une nouvelle invention, construites dans le port de Toulon sous la direction du fameux Renaud, produisirent le plus grand effet.

ture, qui la payait mal, sollicita et obtint du Grand Seigneur la faculté de se choisir un dey on patron, qui, résidant continuellement à Alger, aurait l'administration de l'État, payerait la milice, et enverrait des tributs réguliers à Constantinople, au lieu d'en recevoir la solde des janissaires algériens. Le pacha nommé par la Porte devait conserver ses honneurs, son traitement; mais il n'opinait au divan que quand on lui demandait son avis, ou que la délibération avait lieu sur un objet intéressant la Porte.

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Alger posséda donc un pacha et un dey, jusqu'au moment de l'élévation d'Aly (1710). Cet homme sorti des derniers rangs de la milice turque, était doué d'une grande bravoure et d'une grande ténacité de caractère; aucun obstacle ne l'arrêtait. Un complot s'étant organisé contre lui, il n'hésita point à faire tomber dix-sept cents têtes dans le premier mois de son avénement. Une telle rigueur donna naissance à de nouveaux complots, dont le pacha fut le principal fauteur; Aly le fit arrêter et embarquer pour Constantinople, et il envoya en même temps au sultan Ahmed III des ambassadeurs chargés de riches présents. Le divan ne put se dispenser d'approuver la conduite d'un homme qui employait de tels moyens de justification; Aly fut élevé à la dignité de pacha, et reçut l'investiture de cette dignité par l'envoi des trois queues. Les deys gouvernèrent, dès ce moment, sans partage.

Au commencement du dix-huitième siècle, tandis que les Espagnols étaient occupés et affaiblis par la guerre de la succession, la conquête du cardinal Ximenès, Oran, était retombée entre les mains des Maures. Affermi sur son trône, Philippe V songea, en 1732, à recouvrer cette importante possession; il chargea de l'expédition le comte de Montemar, qui s'en acquitta avec un bonheur justifié par ses bonnes dispositions, son activité, sa sagesse et son audace. Oran et Mers-el-Kébyr furent repris par les Espagnols, trois jours après leur débarquement. Le dey Aly, qui commandait l'armée musulmane, honteux de sa défaite et craignant l'indignation des siens, s'enfuit dans l'intérieur avec sa famille et ses trésors.

Un même jour, en 1732, vit à Alger l'élection de cinq deys qui furent massacrés les uns après les autres'; leurs tombes se voient encore en dehors du faubourg de Bab-el-Oued.

L'année 1775 fut signalée par une expédition des Espagnols contre Alger. Quoique bien préparée, elle eut des résultats désastreux; et comme elle fut la dernière tentative de débarquement sur la côte africaine, avant la conquête française, elle jeta sur ces expéditions une défaveur exagérée. Le général O'Reilly, qui la commandait, échoua complétement

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