Le Ciel allumant fes flambeaux, Tout l'horizon que l'oeil mefure, Offrent aux yeux de la peinture Des contrastes toujours nouveaux, Et font aimer dans leurs tableaux Le coloris et la nature.
Mais la nuit, au trône des Cieux, Diffipant au loin les nuages, Vient encor attacher nos yeux Sur de plus frappantes images: La foeur aimable du Soleil Se leve fur l'onde appaifée, Et répand de fon char vermeil Le jour tendre de l'Elifée; Elle embellit les régions Qu'abandonne l'aftre du monde; Elle éclaire les Alcyons
Qui planent fur la mer profonde; La vague tremblante de l'onde Brife et diffipe les rayons De fa lumiere vagabonde; Favorable à la volupté,
Elle donne au plaifir des armes. L'éclat de fon globe argenté Semble voiler la nudité
Lorsqu'il en montre tous les charmes, Son regne eft celui de l'amour. Sur les mers d'écume blanchies Neptune marche avec la cour, E de nos flottes enrichies Eole preffe le retour.
Conduits par les mains des Syrenes, On voit de loin nos pavillons Tracer d'innombrables fillons Sur le fein des humides plaines; Tandis que l'Océan charmé Contemple fon vaste rivage, Le Nord tout à-coup enflammé Devient le spectacle du Sage,
Et l'effroi du peuple alarmé. Une lumiere étincellante Embrafe le voile des airs. Avant-couriere des Hivers,
Quelle autre Aurore plus brillante S'élève au milieu des éclairs?
Les Dieux ont-ils, dans leurs balances, Pelé le fort des Nations?
Emu par nos divifions
Le Ciel fait-il briller fes lances ?
Ses feux et fes rayons épars,
Ses colonnes, fes pyramides.
N'offrent à des regards timides 9110 Que les jeux fanglans du dieu Mars. Voilà les nombreufes armées,
Voilà les combats éclatans,
Qui de nos guerres rallumées Furent les préfages conftans.
La frayeur naiffoit du preftige; } Mais nos yeux bientôt fatisfaits
Verront renaître le prodige
Sans en redouter les effets > Brillez, Aurore boréale; De la nuit éclairez la cour;
En vous voyant, le beau Céphale Croit voir l'objet de fon amour;au S'étonne d'annoncer le jour. Palès rapelle dans la plaine Et les Bergers et les troupeaux; Vulcain rallume fes fourneaux Et la troupe du vieux Silène S'éveille aux pieds de nos côteaux; Au bruit des meutes de Diane Les Bacchantes ouvrent les yeux; Trompé par la clarté des Cieux, Bacchus fort des bras d'Ariane. Ce Dieu, de pampres couronné, Ouvre la fcène des vendanges; Il brille, il marche environné D'Amours qui chantent fes louanges.
On voit danfer devant fon char
Les Satyres et les Dryades; Un Faune enyvré de nectar, Remplit la coupe des Ménades; Les jeux qui le fuivent toujours, Répandent des fleurs fur les traces; Ses tigres, conduits par les Graces, Sont careflés par les Amours. Momus, Terpsichore, Silvains Viennent anoncer aux Humains L'heureux retour de la folie. Le foleil voit, en fe levant, La marche du vainqueur du Gange, Et porté fur l'aîle du vent, L'Amour annonce la vendange. Pan, dans le creux de ce rocher, Foule les préfens de l'Automne; A fes yeux, la jeune Erigone Folâtre et n'ofe f'approcher. Le nectar tombe par calcade; L'onde et le vin font confondus, Et l'urne de chaque Nayade Devient la tonne de Bacchus. Les flots de la liqueur facrée Couvrent la campagne altérée; Tout boit, tout f'enyvre, tout rit, Et de la joie immodérée Jamais la fource ne tarit,
Le myrte, aux amours favorable, A dérobé moins de plaifirs, Que cet arbuste vénérable N'a vu couronner de defirs. Sous les pampres de cette vigne Un Amant n'est jamais trahi; Plus il jouit, plus il eft digne Du bonheur dont il a joui. Bacchus rajeunit tous les âges; Ses charmes ramenent toujours La folie au temple des Sages, La raifon au fein des amours.
Acis, auffi jeune que Flore, Touchoit à cet âge charmant Où l'ame éprouve le tourment De defirer ce qu'elle ignore: Plus belle et moins jeune que lui, Thémire, femblable à Pomone, Commençoit à craindre l'ennui Des derniers jours de fon automne: L'Amour feul a droit de charme: L'ame qu'il a deja charmée. Acis avoit befoin d'aimer, Thémire d'être encore aimée. La beauté voit périr fes traits; Les rofes du teint fe flétriffent; Mais le coeur ne vieillit jamais, Et les defirs le rajeuniffent. Thémire brûla pour Acis:
Aimer de nouveau, c'eft renaître : Ce fut fous ce berceau champêtre, Que fon coeur long-tems indécis Choifit enfin ce jeune maître. Etouffez les rayons du jour, Pampres, dont le feuillage fombre S'éleve et retombe alentour! La raifon demande votre ombre Pour f'abandonner à l'amour. Lierre amoureux, toi qui confpires A rendre ce berceau charmant, Viens cacher l'Amante aux Satyres, Aux Nymphes dérobe l'Amant.
Malheureufe d'être inhumaine, Honteule de ne l'être pas, Thémire repouffe avec peine Acis qu'elle appelle en fes bras. La Beauté la plus intrépide Craint de féduire la candeur; L'embarras d'un Amant timide Arme la plus foible padeur. Thémire enyvrée, éperdue,
Tour-a-tour fe laiffe emporter Au plaifir de f'être rendue, A la gloire de réfifter.
Eclairés d'un jour favorable Les yeux de fon Amant aimable Sur les foibles traces du tems N'ont vu que les fleurs du Printems. Heureux âge de l'indulgence! Où les dégoûts font inconnus ; Où tous les feux, d'intelligence, Confpirent pour la jouiffance; Où toute Mortelle eft Venus.
Thémire n'a point de rivale;
Le feu dont Acis eft brûlé, De leurs ens remplit l'intervale; Et l'Amour, aux cieux envolé Triomphe d'avoir affemblé Les noeuds d'une chaîne inégale.
La fin du regne de Bacchus Annonce ces combats aimables, Où les Satyres font vaincus Par les Nymphes infatigables. Jours fortunés, mais peu durables! Bientôt le brutal Africus, Ouvrant fes ailes redoutables De la Maîtreffe de Glaucus. Les hirondelles affemblées, S'élançant du faîte des tours, Au fond des grottes reculées Vont f'endormir jusqu'aux beaux jours. Entafiés comme des nuages, Mille oifeaux traverfent la mer; Le retour de l'affreux hiver S'annonce par leurs cris fauvages. Le fer tranchant va déchirer Le fein des plaines découvertes, Et Vertumne en pleurant nos pertes, Nous apprend à les réparer.
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