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von Bar. L'Avare doit fouffrir cent fois plus de douleurs,
Qu'une femme en travail dans les grandes chaleurs.
Vous êtes-vous acquis le renom d'être chiche?
Chacun à vos dépens voudroit devenir riche.
Femme, enfans et voifins, fervantes et valets,
Pour vous ronger le coeur, vous tendent des filets.
A coup fûr, f'ils ofoient, ils bruleroient vos gran-
ges;

Qui tourmente un Vilain croit divertir les Anges.
Tu dois me confeffer, que le plaifir exquis
De paffer en revûe un nombre de Louïs,
Ne peut te foulager dans les tranfes mortelles,
Où te jette l'achat des moindres bagatelles.
Si j'avois à prouver contre nos Médecins,

Que l'Homme ne meurt point du poifon des chagrins,
Je produirois d'abord un Ladre octogénaire,
Qui, mangeant à fes fraix, fent toute fa mifère;
Le pain d'autrui l'affame au point que tout Vivant
Semble à fes yeux jaloux un Rival triomphant.
Nous donnons, fur la foi d'un principe bizarre,
Des Tuteurs au Prodigue, et jamais à l'Avare:
Je voudrois qu'en r'ouvrant le Coffre du premier,
Le Magiftrat bornât l'épargne du dernier.
Dira-t-on, qu'un Grigou, puni par l'Avarice,
Expireroit bientôt dans ce double fupplice?
Que perdroit le public à la mort de ce Fou,
Qui, pour le bien commun, ne perdroit pas un fou?
L'Argent doit circuler; qui l'arrête en fa course,
Devroit dans l'Océan circuler tête en bourse;
C'est du Bonheur public l'Ennemi déclaré,
Et c'est toujours trop tard qu'on f'en voit délivré.
Le plus vil Scélérat fçait mériter l'estime

Au moins de fes pareils, coupables de fon crime;
Cartouche dans Shephard admiroit le Voleur;*)
L'Avare de l'avare abhorre la noirceur,
L'Avare en fes pareils doit détefter fon vice,
Et prouver, contre lui, qu'il faut qu'on le haïffe.

Lors

*) Cartouche, fameur Chef de Voleurs à Paris, comme

Shephard à Londres.

Lorsque dans l'Orient un Tyran furanné,
Squelette fenfuel, au Jeune condamné,
Arrache à fes Sujets fans choix toutes les Belles,
Et, pour les contempler, f'emprifonne avec elles,
Ce Monftre, à ton avis, n'eft il pas furieux?
Que n'inmole-t-il point au plaifir de fes yeux?
Pourtant c'est ton portrait, Mortel infatiable!
Ton Coffre eft le Sérail, où ta griffe éxécrable
Renferme ces Beautés, ces Pistoles de poids,
Qui ferofent le bonheur du Peuple et des Bourgeois.
Regarde l'Artisan defoeuvré, fans pratique,
Il porte ton Arrêt dans fon oeil famélique,
Et de fes cris perçans, qui te touchent fi peu,
Hélas! tu dois répondre un jour devant fon Dieu.
S'il fe peut, Harpagon, que ton éfprit revêche
Doute de vérités que mon amour lui prêche,
Fais répandre en tous lieux le bruit de ton trépas,
Chacun dira tout haut ce qu'on fe dit tout bas.
Le Peuple extravagant, à fon délire en proye,
Dans tous les Carrefours fignalera fa joye;
Le nom du nouveau Mort d'épithetes chargé,
Sera de fon hiftoire un cauftique Abregé.
Dès-lors, Pere aux Ecus, tes propres Domeftiques.
Fourniront au Public cent Farces fatiriques;
Ce font des Perroquets, on a beau les nourrir,
S'ils n'ofent pas nous mordre, ils ofent nous falir.
Bientôt ton propre fils, le Chef de la Famille,
Plus fou qu'un jeune Anglois fortant de la Bastille,
Plus fringant qu'un Sauteur du Manége échappé,
T'apprendra qu'il fçait vivre en fils émancipé:
Et quand dejà ton fang bouilliroit en fes veines,
Toutes fes paffions feront autant de Reines,
Qui toutes à la fois, attaquant le Magot,
Feront ce cher Dauphin et repic et capot.
Dans cet inftant affreux, à ce moment horrible,
Vien, fauve ton trefor de fa perte infallible,
Et fonge à te munir d'un flegme fuffifant,
Pour digérer encor l'affront le plus cuifant,
Si, fur le bruit flatteur de ta mort defirée,
Tout un peuple a fait voir fa joye immodérée,

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von Bar.

von Bar. Tu verras la douleur du Peuple au défespoir De ne point éviter l'horreur de te revoir.

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Mais quoi? du Monde entier l'eftime univer

feile,

Au prix d'un Ecu blanc, à tes yeux n'est plus belle!
Chercher des fentimens dans les coeurs des Mam-
mons,

Hélas! dans un brochet c'eft chercher des poumons.
L'infamie et l'Enfer, felon toi, font dans doute
Deux vains Epouvantails, qu'un foible Efprit re-
doute;

Le Diable, que tu crains, Poltron, c'eft le Voleur,
C'est lui qui te condamne aux tourmens de la peur.
Confeffe encore ici que par une injustice,

Qui chez tous les humains éscorte l'avarice,
Nul ne peut t'approcher, que ton coeur foupçon-

neux

N'y penfe découvrir un Larron dangereux.
Toujours tu te crois dupe, en croyant l'honnête
homme

Un Héros de Théatre, un spécieux Fantôme;
Tu n'as jamais conçu, comment un Esprit sain
Peut être fcrupuleux fur la façon du gain.

Ce maudit préjugé te rend intolérable,

Te rend hargneux, brutal, cruel, inexorable,
Toujours craintif et craint.... il n'eft point de Gou-
jat,

Qui devroit avec toi vouloir changer d'état.
Spis du moins convaincu, que fi la Providence
Ne confervoit tes jours par la Toute - puiffance
Quelque Affaffin, vengeur du public maltraité,
Nous convaincroit bientôt de ta mortalité..
Et qui fçait, Harpagon, fi quelque Misérable
Déja contre ton fein n'aiguife un fer coupable?
Peut être que le Ciel, las de te protéger,
Aujourd'hui t'abandonne à qui veut le venger;
Songe qu'un coup fatal, fil t'arrache la vie,
T'arrache encor les fruits d'une longue industrie.

S'il eft vrai que ton coeur, fuivant fes doux trans

ports,

N'aime, ne voit, n'entend, ne vit qu'en tes trefors,
J'ofe te conjurer, au nom de ton or même,
De vivre pour lui feul, en changeant de Systême.
Loin d'entermer ton Dieu, comme un Dieu malfai-
fant,

Déviens à fon égard un Hôte complaifant,
Permets lui de rouler dans des bornes préfcrites.
Pourvû que la prudence en marque des limites,
Ce Dieu retournera, chargé de nouveaux biens,
Comme Mentzel *) retourne au Camp des Autri-
chiens,

Tu vois la probité fouvent néceffiteufe, '
Et, faute de fecours, en vain induftrieufe;
Tu dois la fecourir; c'eft en la protégeant,
Qu'un riche avec honneur place bien fon argent.
Sois l'ame du Negoce; ouvre au Marchand ta
'bourse,

Qu'il promene ton or du Midi jusqu'à l'Ourfe;
Que par toi des Manans, oififs ou pareffeux,
Faflent du Champ ftérile un terroir fructueux.
Transforme les Ruiffeaux en Canaux, en Rivières ;
En Colomb fouterrain découvre des Minières;
Rends, en un mot, ton vice utile au Genre Humain,
Et, pour mieux t'enrichir, enrichis ton Prochain.

Je t'implore aujourd'hui, Mufe de Simonide,
Si jadis d'un Tyran inhumain et fordide,
Tu fis, dans Syracufe, un Prince vertueux,
Répand fur mes Ecrits ton feu miraculeux!
Ma vanité renonce au talent équivoque
D'un mordant Hipponax, d'un cruel Archiloque,
Leurs lauriers font affreux; je n'afpire aujourd'hui
Qu'au don de convertir l'Avare malgré lui.

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Hâtons

*) Ce prétendu Baron, Colonel des Houffars au Service de la Reine de Hongrie, brilloit alors dans les Gazettes, en attendant l'honneur de vivre dans l'Hiftoire. Il privoit la France de fept Partisans, tous gens de valeur, et qui favoient leur métier.

von Bar.

von Bar.

Hâtons nous; vil pécheur, fouffre que je te traîne,
Pour l'honneur de ma Mufe, au bord de l'Hippo-
crène,

A grands coups d'afperfoir j'y veux t'exorcifer,
Et chaffer le Démon qui fçait te maîtriser.
Je connois la grandeur de ma noble Entreprise,
Je confens qu'on la marque au coin de la Sottife;
Mais, pourvû que j'arrache à ton coeur gangrené
Un acte généreux pour quelque Infortuné,
Que tu puffes goûter le plaifir ineffable
D'affranchir de fes maux un Etre miférable,
Harpagon, je triomphe, et par mes cris joyeux
J'annonce le miracle au public curieux.

Oui, le moindre Avant-gout des voluptés du Sage
Invite à la vertu l'Elprit le plus fauvage;

Un bienfait bien placé, par fes propres attraits,
Nous porte à redoubler nos,dons et nos bienfaits.
Viens, pour te voir guérir de ta trifte infamie,
Des hôtes du pavé guerir la boulimie,
Sois le pere des Gueux; c'eft un titre fi doux,
C'est un emploi fi beau, qu'il les efface tous.
Si tu viens éprouver, Patron de la Canaille,
Le charme de nourrir un Pauvre fur la paille,
Bientôt naitront en toi ces tendres mouvemens,
Heureux avant-coureurs des nobles fentimens ;
Bientôt l'Humanité, cette lumière innée,
Saura déraciner ta léfine incarnée;

Soudain la Charité bannira de ton Coeur

Le lâche Amour du gain, pour y placer l'Honneur;
Et l'Honneur dirigeant ta vie et tes largeffes,
Nous verrons Harpagon digne de fes Richeffes.

Dorat.

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