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CLINIAS. Etranger, c'eft un. Dieu; nous ne pouvons avec juftice accorder ce titre à d'autre qu'à un Dieu. Ici, nous reconnoiffons Jupiter pour nôtre légiflateur; à Lacédémone, patrie de Mégille, je crois qu'on dit la même chose d'Apollon. (2) N'eft-il pas vrai? Megille. Oui. L'Athén. Racontez-vous le fait comme Homére, qui dit que tous les neuf ans Minos alloit réguliérement s'entretenir avec Jupiter fon pere, dont il dicta les réponses comme autant de loix aux villes de Crete? (3) Clinias. Telle eft en effet la tradition reçue chez nous. On y dit auffi que Rhadamanthe, for frere, dont le nom ne vous eft pas fans dou

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(2) Jupiter, dit Cicéron Tufcul. 2, ou Minos infpir par Jupiter, fi on en croit les Poëtes, donna des Lois la Crete. Lycurgue, dit encore le même, de Divinat 1. fit confirmer par l'autorité d'Apollon Delphien les Lois qu'il deftinoit à Lacédémone. Plutarque raconte dans vie de Lycurgue, qu'avant que de propofer fes loix, alla à Delphes, fit à Apollon des facrilices, & rappor ta de là le fameux oracle où la Prétreffe l'appelle chi des Dieux, & plutôt un Dieu qu'un homme: qu'ayant fup plié Apollon de lui infpirer de bonnes loix, ce Dieu re pondit qu'il vouloit les lui dicter lui-même. Voyez ce oracle dans Hérodote, Clio, & plus au long dans Théo doret, therapeut. difcours 9. Nume chez les Romains fi à-peu-près le même perfonnage que Lycurgue & Minos en feignant des entretiens avec la nymphe Egérie. Ce eft un aveu & une preuve qu'il n'appartient qu'à la Di vinité de donner des loix aux hommes.

(3) Odyff. 19.

O te inconnu, fut le plus jufte des hommes; ti & nous croyons, nous autres Crétois, qu'il re a mérité cet éloge par fon intégrité dans ur l'adminiftration de la juftice. L'Athén. Une To louange de cette nature eft bien glorieufe, 2 & convient parfaitement à un fils de Jupiter.

J'ESPERE qu'ayant été élevés l'un & l'autre qu dans des Etats fi bien policés, vous confenretirez fans peine à ce que nous nous entretefa nions ensemble pendant la route fur les loix ea & la politique. Il y a une affez longue traini te, à ce que j'ai oui dire, de Gnoffe à l'anch tre (4) & au temple de Jupiter. Les grands farbres qui font fur le chemin nous procuredo ront fous leur ombre des endroits pour nous repofer, & nous mettre à l'abri de la chaleur de la faifon. Il fera très-à-propos à nôtre âge de nous y arrêter fouvent pour reans prendre haleine, & nous foulageant mutuellement par le charme de la converfation, d'arriver ainfi fans fatigue au terme de nôtre voyage. Clinias. En avançant, nous trouverons dans les bois confacrés à Jupiter,

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(4) C'est l'antre où Jupiter fut élevé dans fon enfance par des abeilles: Dictao cali Regem pavere fub antro. Virg. Georg. 4.

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des cyprès d'une hauteur & d'une beauté admirables, & des prairies où nous pourrons-nous affeoir & nous délaffer. L'Athén. Vous avez raison. Clinias. Je le crois; nous le dirons encore plus volontiers, quand nous ferons. Allons fous les aufpices de la fortune. L'Athén. Puiffe-t-elle nous être propice!

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DITES-MOI, je vous prie, pourquoi les loix ont-elles établi chez vous les repas en commun, les gymnafes & l'efpece d'armes dont vous vous fervez? Clinias. Etranger, il eft aifé, ce me femble, à tout homme d'appercevoir quelle a été chez nous la raifon de ces inftitutions. Vous voyez quelle eft dans toute la Crete la nature du terrein; ce n'eft point un pays de plaines comme la Theffalie. Auffi la courfe à cheval eft-elle beaucoup plus en ufage en Theffalie, & ici la course à pied : le terrein en effet, à raifon de fon inégalité, y eft bien plus propre à ce genre d'exercice. Or il eft néceffaire que la qualité des armes réponde à cet ex ercice, & qu'elles ne nuifent point à la vi teffe par leur pefanteur. On ne pouvoit en

imaginer de plus légeres & de plus commodes que l'arc & la fléche. (5) Ces réglemens au refte ont été faits en vue de la guerre, il me paroît même que dans tous les autres, nôtre Légiflateur ne s'eft point propofé d'autre fin que celle-là. Car il femble que ce qui l'a déterminé à établir les repas en commun, c'est qu'il a remarqué que chez tous e les peuples, lorfque les troupes font en campagne, le foin de pourvoir à leur propre fureté les oblige, par la nature même de la chofe, à prendre leurs repas en commun tout le tems que la guerre dure. Et en cela il a voulu condamner l'erreur de la plue part des hommes, qui ne voyent pas qu'il ei y a entre tous les Etats une guerre toujours el fubfiftante d'un feul contre tous; & qu'ainel fi, puifqu'il eft néceffaire pour la fureté putblique en tems de guerre, que les citoyens a prennent leur nourriture enfemble, & qu'il y ait des chefs & des foldats toujours occu

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(5) Tout le monde fçait que les Crétois étoient trèshabiles à tirer de l'arc: Auffi dans prefque toutes les armées des anciens, voit-on des archers Crétois ; & les Poëtes tirent d'ordinaire de quelque Ville de Crete lesépithetes qu'ils donnent aux fléches & aux carquois. tibet Partho torquere Cydonia cornu fpicula. Virgil. CrefJamque pharetram. Idem. Calami Spicula Gnofii. Horat.

pés à faire la garde autour d'eux, cela n'eft pas moins indifpenfable durant la paix : qu'en effet ce qu'on appelle communément paix, n'eft tel que de nom, & que dans le fait, fans qu'il y ait aucune déclaration de guerre, chaque Etat eft par fa conftitution toujours armé contre tous ceux qui l'environnent. En confidérant la chofe fous ce point de vue, vous trouverez que le plan du Légiflateur des Crétois, dans prefque toutes fes inftitutions publiques & particulieres, porte fur la fuppofition d'un état de guerre continuelle ; & qu'en nous recommandant l'obfervation de fes loix, il a voulu nous faire fentir que ni les richeffes ni la culture des arts, ni aucun autre bien, ne nous ferviroient de rien, fi nous n'étions les plus forts à la guerre, la victoire transportant aux vainqueurs tous les avantages des vain

cus.

L'ATHÉN. Je vois, Etranger, que vous avez fait une étude profonde des loix de vôtre nation. Mais expliquez-moi ceci encore plus clairement. Autant que j'en puis juger, vous ne regardez une Cité comme parfaitement bien policée, que quand fa con

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